TRIBUNE
L'Enseignement artistique spécialisé et le télétravail
- enseignement à distance
Après un an de crise sanitaire, un premier bilan peut être fait sur l'adaptation, parfois à marche forcée, que les enseignants artistiques ont été amenés à réaliser.
Le premier constat que nous pouvons faire est que les enseignements artistiques ne sont pas télétravaillables, au sens habituel du télétravail, même si les enseignants ont eu à coeur de garder un lien pédagogique avec leurs élèves, lors des deux confinements, grâce à leur propre engagement… et souvent, à leur propre matériel.
Même dans les établissements où des salles ont été équipées de matériel audiovisuel de qualité, et ceux qui ont pu équiper de tablettes les enseignants, on ne peut résoudre les problèmes rencontrés par les élèves, tant sur le plan de la connexion que sur celui du matériel dont ils disposent, dans un environnement familial souvent peu propice à des cours à distance. Nous ne reviendrons pas sur les problématiques liées à la mise à disposition d’adresses mail professionnelles et au respect des règles (RGPD).
De même, le son transmis à travers un smartphone, une tablette ou un ordinateur ne peut refléter toute la qualité et la palette sonore de celui produit en présentiel. Pour les danseurs, le contrôle de la réalisation de certains gestes ou postures devient impossible !
N’oublions pas non plus que l’objectif de nos établissements est la formation d’élèves. Cette formation s’appuie sur l’enseignement d’une part et sur l’évaluation d’autre part : il ne peut y avoir de formation s’il n’y a pas d’évaluation. L’évaluation en général est mise à mal par une gestion à distance des élèves. Même si des solutions peuvent être élaborées, en faisant évoluer les différents critères et en s’inspirant du Centre national d’enseignement à distance (CNED) de l’Education Nationale, le passage régulier sur scène et devant jury reste un principe incontournable d’une formation sérieuse au sein des conservatoires.
C'est la raison pour laquelle le SNEA-UNSA insiste auprès du Ministère de la Culture pour que les enseignements en présentiel, y compris pour les adultes (sous réserve peut-être de tests rapides hebdomadaires) reprennent pleinement et que les enseignements artistiques spécialisés soient traités, comme l'enseignement général au sein de l'Education Nationale.
Pour mémoire, nombre de formations professionnelles, de groupes, de compagnies et de troupes ont déjà repris les répétitions dans le respect des règles sanitaires en vigueur. Ils participent à des enregistrements de spectacles pour du streaming ou des supports audiovisuels afin de retrouver un peu leur public. Et l'on assiste à des Victoires de la Musique avec un public, certes masqué et composé de figurants, mais dont la distanciation, pendant plus de trois heures, est pour le moins réduite, alors que les salles de concert sont fermées !
Par ailleurs, nous vivons dans un environnement numérique qui, bien utilisé, peut-être un complément intéressant pour faire évoluer la pédagogie en général. Nombre de nos élèves utilisent déjà ces nouveaux outils à titre individuel. De plus en plus d'enseignants également.
Mais ces évolutions ne peuvent servir à remplacer le présentiel par le distanciel. Elles doivent simplement permettre à des élèves de mieux s'écouter en s'enregistrant, de mieux corriger des postures en se filmant (les miroirs d'antan sont ainsi remplacés !). Les tablettes commencent déjà à être utilisées dans certains cours en présentiel : il ne faut donc pas confondre l'utilisation de ces outils numériques avec l'enseignement artistique à distance.
Mais, si ces évolutions sont souhaitables pour que nos établissements continuent à être attractifs (n'oublions pas qu’au delà de la démarche artistique, il faut donner "envie" à nos élèves, notamment les plus jeunes, sans cesse sollicités par toutes sortes d’écrans). Le présentiel ne peut pas être remplacé par le distanciel, comme le spectacle vivant ne peut être remplacé par un spectacle enregistré (concert, ballet, pièce de théâtre, etc.). Il en va de la préservation de la qualité de l'enseignement artistique et donc à terme, de celle des artistes qui vont transmettre leur passion et leur art à des mélomanes, des spectateurs, présents dans les différents lieux culturels ouverts et heureux de partager des émotions.
Paris le 17 Février 2021,
Michel Ventula,
Secrétaire Général du SNEA-UNSA